Guerlain « La gloire est éphémère, la renommée seule est durable. » Pierre-François-Pascal Guerlain En 1828, lorsque Pierre-François-Pascal Guerlain ouvrit sa première boutique, rue de Rivoli, dans le Paris de Charles X, songeait-il à cette maxime ? C’est peu probable. Jeune provincial venu tenter sa chance à Paris, après avoir obtenu ses diplômes de médecin chimiste en Angleterre où il a appris, entre autres, la manière de fabriquer les savons, il ne manque ni d’audace ni de ténacité et, par-dessus tout, possède le goût de la qualité. Plus tard, il dira à ses collaborateurs : « Faites de bons produits, ne cédez jamais sur la qualité. Pour le reste, ayez des idées simples et appliquez-les scrupuleusement. » Déjà, en ouvrant cette première boutique au rez-de-chaussée de l’hôtel Meurice, à l’emplacement même de l’actuelle salle à manger, Pierre-François-Pascal démontre son sens du prestige. Il concrétise ses ambitions de parfumeur en composant des fragrances qui sont des pensées émues à sa jeunesse : « Senteur des Champs », « Esprit de Fleurs », ainsi qu’un hommage à l’Angleterre où il a appris les rudiments de son art : « Bouquet du Roi d’Angleterre », « Bouquet du Jardin du Roi », « Parfum des Rois ». Parallèlement à son talent de parfumeur, Pierre-François-Pascal propose des produits de soins importés, des lotions, des produits de toilette et de maquillage sophistiqués, tous conçus autour de matières premières naturelles. Déjà, le fondateur de la maison Guerlain affirme son autorité et personnalise le parfum. Il s’agit d’associer un arôme, une senteur, à une personnalité, à une ambiance. Guerlain ne se départira jamais de ce principe. À l’époque, on lui demande de créer un parfum pour une seule jolie femme, un parfum pour une seule soirée, « une odeur inédite qui ne vibrerait que l’espace d’un soir ». Il est le seul à pouvoir réaliser cela. Honoré de Balzac lui demande alors de lui composer une eau de toilette avant qu’il n’entreprenne l’écriture de César Birotteau. Guerlain parfume également toutes les éditions d’un journal, La Sylphide, le Journal des élégances. Le développement de ses produits de soins s’intensifie. Dès 1840, les produits en vogue sont signés Guerlain et s’appellent la « Crème de Concombres », le « Serkis des Sultanes » et revendiquent différents bienfaits pour la peau comme la préservation de l’élasticité, la protection contre les effets du soleil ou l’adoucissement de la peau. En 1842, Guerlain s’établit au numéro 15 de la rue de la Paix et fait figure de pionnier dans ce secteur qui n’est pas encore l’un des carrefours les plus élégants du monde. À la même période, l’usine est transférée à Colombes sur un domaine plus vaste et plus approprié à son essor. Tandis que Corot, Courbet, Delacroix peignent leurs chefs-d’oeuvre, Guerlain crée « Parfum Impérial », « Bouquet de l’Impératrice », « Bouquet Napoléon » et multiplie ses créations au même rythme que l’essor de sa renommée. Les clients affluent à la boutique. La comtesse de Castiglione, la princesse de Metternich, la duchesse de Mouchy, le prince de Galles, la reine de Belgique, la duchesse de Berry y vont faire régulièrement leurs achats. La découverte de nouvelles senteurs est l’apanage du créateur. C’est grâce à ces odeurs débusquées au coeur de contrées lointaines que le parfumeur opère à la manière d’un alchimiste et mélange des ingrédients qui, au premier abord, n’ont rien d’attrayant. Ainsi en est-il de ces senteurs de sous-bois qui surent conquérir Pierre?François?Pascal. Il leur rendit hommage en créant, en 1840, la première senteur chyprée qu’il nomma le plus simplement du monde « Chypre ». En 1851, la France sacre Napoléon III empereur. Il veut remodeler Paris et en charge le baron Haussmann, tandis que l’impératrice Eugénie stimule le développement des industries de luxe et se penche, avec un intérêt tout particulier, sur les créations Guerlain. En 1853, Pierre-François-Pascal lui dédie la célèbre « Eau de Cologne Impériale », toujours vendue de nos jours dans son superbe flacon aux abeilles et à l’étiquette verte. Cet hommage à la beauté de l’impératrice vaudra au fondateur de Guerlain le titre très envié de « parfumeur breveté de Sa Majesté ». L’Exposition universelle de 1867 est le bouquet final de ce feu d’artifice. Guerlain invente « Ne m’oubliez pas », le premier bâton de rouge à lèvres. Présenté dans un étui avec poussette et rechargeable, sa sophistication liée à une invention technique fait de lui le premier rouge à lèvres moderne. Cette création révolutionnaire épouse parfaitement l’esprit de cette époque où le développement du commerce et de l’industrie, vigoureusement amorcé sous l’influence de Napoléon III, repart de plus belle. Un an plus tard, la IIIe République naît. Malgré la guerre, Guerlain n’a cessé de s’affirmer. Il est maintenant le parfumeur attitré de toutes les cours d’Europe. Il parfume la reine Victoria d’Angleterre, la reine Isabelle d’Espagne, l’inoubliable Sissi, impératrice d’Autriche, et le grand duc Alexandrowitch. En 1894, l’usine de Colombes, devenue trop petite, est remplacée par celle de Bécon-les-Bruyères. C’est désormais sur les épaules d’Aimé et de Gabriel Guerlain que reposent les destinées de la maison. Aimé, le créateur, s’illustre par de nombreuses compositions : « Fleurs d’Italie », « Skine », « Belle France ». Pour clore ce siècle, Aimé Guerlain veut une prédiction parfumée, un parfum audacieux, quasi révolutionnaire, dont on ne saurait trop dire s’il est pour homme ou pour femme, distingué, avec une pointe de mystère, et c’est « Jicky », considéré en 1889 comme le premier parfum moderne, en harmonisant pour la première fois des produits naturels avec des produits de synthèse. La mode et le savoir-être cessent d’être l’apanage de quelques initiés. Le bon goût s’impose comme une affaire nationale, tandis que la jeune république fête ses vingt-cinq ans. C’est la grande époque des « dessous » et des bas noirs révélés par le french cancan dont l’on s’offusque et s’amuse à la fois. Guerlain avait vu juste en s’installant rue de la Paix, car la place Vendôme est désormais le centre de Paris. La révolution industrielle bouleverse les mentalités et des inventions surprenantes voient le jour : la TSF, le téléphone, le cinéma. La conquête de l’air s’amorce sur des drôles de machines ; Paul Valéry écrit sur la danse et Bergson sur le rire. C’est dans cette richesse et cette frénésie créatives que Guerlain, avec Pierre à la direction des affaires et Jacques pour la création, continue son oeuvre. Les nouvelles compositions s’identifient parfaitement à l’époque : « Mouchoir de Monsieur », « Voilette de Madame », « Bon Vieux Temps », « Muguet », « Rue de la Paix », et le catalogue beauté s’enrichit régulièrement de créations. Presque à la même époque, Jacques crée, en 1906, « Après l’Ondée », tout de grâce et d’ingénuité. En 1912, préludant aux heures graves qui se préparent, Jacques Guerlain compose « L’Heure Bleue », un parfum romantique et pénétrant d’une tendresse infinie. En 1914, avant que le ciel ne s’obscurcisse pour quatre ans, une nouvelle boutique s’ouvre au 68, Champs-Élysées. Créée par Charles Mewès, à qui l’on doit également l’hôtel Ritz, sa décoration sera confiée à des artistes venus de Carrare et ses murs comportent pas moins de dix-sept marbres différents. La création de parfums sur mesure n’empêche pas ce créateur infatigable de poursuivre, toujours avec le même succès, l’infinie variété de ses compositions. Chaque année apporte une fragrance nouvelle : « Quand vient l’été », « Pour Troubler », « Vague Souvenir », « Mi-Mai »… La Grande Guerre est passée et la France a beaucoup changé. Très vite, Coco Chanel arbitre à Paris les élégances féminines et remonte l’ourlet jusqu’au genou. La robe longue voit sa vie limitée aux grands soirs. Dans ces années éperdues, Guerlain va tenter de donner à la femme qui se simplifie à outrance, qui semble vouloir se dépouiller de toutes ses armes, le regain nouveau d’un charme inattendu. Jacques Guerlain baptise sa nouvelle création « Mitsouko », le prénom d’une héroïne du roman La Bataille, de son ami écrivain Claude Farrère. « Mitsouko », cette merveilleuse gerbe de chypré fruité, est un parfum à la formule concise qui, aux dires de Jean-Paul Guerlain, « possède l’odeur rêvée d’une peau de femme. » Le prolifique et génial Jacques Guerlain vit cloîtré dans son laboratoire et crée « Jasmin », « Bouquet de Faune » dans son flacon Lalique, « Candide Effluve »… Ses parfums se succèdent sans se ressembler, tout en ayant toujours cet air de famille qui sculpte les créations Guerlain. À cette époque, Paris est au centre du monde, cosmopolite, artistique et d’une grande puissance créatrice. « Paris est une fête », écrit Hemingway et les acteurs de cette vie trépidante s’appellent l’Agha Khan, Stravinski, Dalí, Picasso, Cocteau, Braque, Max Ernst, Miró et Diaghilev, créateur des Ballets russes. Grand ami de Jacques Guerlain, ce dernier lui composera un parfum tout en finesse et sensualité, « Coque d’Or », dont le flacon, librement inspiré du noeud papillon, sera façonné dans du cristal Baccarat bleu nuit recouvert d’une pellicule d’or. Dans l’histoire de la femme française, l’année 1925 a marqué une date importante car l’Exposition internationale des Arts décoratifs, en mettant la parfumerie au premier rang des industries de luxe, lui a restitué sa véritable place. Le flacon de « Shalimar », dessiné par Raymond Guerlain, représente la société Guerlain au sein de cette exposition installée dans le hall du Grand Palais et symbolise ces Arts déco inventifs et riches qui puisent dans les matières les plus rares, les plus exotiques. C’est inspiré par cet état d’esprit que Jacques Guerlain, en 1920, composera « Shalimar » qui connaîtra le succès mondial en 1925. Un parfum d’une agressive douceur, au bord de l’interdit, le premier parfum oriental. Paris continue d’éblouir et les nouveautés se succèdent. En peinture, les fauves, les cubistes et les surréalistes discutent sans fin leurs théories. Picabia et Breton scandalisent, Gide, Claudel et Valéry attirent une foule de disciples. Dans le secret de son laboratoire, Jacques Guerlain crée sans relâche. « Djedi » et « Guerlilas » ornent les vitrines de la boutique des Champs Élysées ; les demandes pour des parfums sur mesure se multiplient. Parfumeur universellement incontestable et incontesté, Guerlain a désormais cent ans d’existence. Le monde est en effervescence. Les pays lointains comme le Japon et la Chine, dont on a découvert les trésors artistiques lors de la dernière Exposition des Arts déco, attisent l’envie d’aller voir sur place ces merveilles. Guerlain répond à cette demande et « Liu », inspiré par l’héroïne de l’opéra de Puccini, Turandot, ose un flacon en forme de boîte à thé chinoise réalisé par Baccarat. Un nouveau goût se manifeste : celui de l’ailleurs. Ce désir d’exotisme, d’aller au bout du monde, Jacques le concrétise par un parfum, « Sous le vent », qu’il dédie à Joséphine Baker dont il admire la personnalité extravertie. Ce parfum, évoquant les vastes étendues de la nuit, porte le nom du célèbre roman de Saint-Exupéry, l’ami de toujours. En 1935, poursuivant son envol, Guerlain ouvre une deuxième boutique, place Vendôme, dont la décoration très sobre de marbre blanc exalte la richesse des flacons. Un minimalisme avant l’heure qui confirme l’idée que la pure et vraie beauté ne se démode jamais. En 1939, toujours à l’écoute des femmes, toujours en avance sur son temps, Guerlain lance l’ouverture du premier salon de beauté au monde, au premier étage du 68, avenue des Champs?Élysées. Très vite, les femmes se pressent dans ce nouveau lieu de l’élégance décoré par Christian Bérard à qui l’on doit la sublime tapisserie de « l’alcôve aux parfums », Jean Michel Frank et son mobilier aux lignes fluides, Giacometti et ses appliques fleurs. La couleur bleu céleste et le blanc virginal s’accordent pour que les femmes découvrent, dans la plus grande sérénité, les vertus des massages élaborés par le docteur d’Aubiac, l’efficacité des lotions et pulvérisations, crèmes pour ou contre le soleil et, surtout, du nouveau masque « Miracle », puissant antirides et régénérateur des cellules cutanées. Quand les dernières balles ont sifflé sur les toits de Paris, quand les Champs-Élysées ont été descendus, quand Paul Valéry a écrit « Nous, civilisations, savons que nous sommes mortelles », alors on se reprend à sourire et à croire en la paix. À la boutique Guerlain des Champs-Élysées, les GI font la queue. Ils emporteront avec eux un peu de l’air de Paris dans le Michigan ou l’Illinois. L’usine de Bécon-les-Bruyères, qui a subi deux bombardements, est abandonnée et un nouveau site industriel bien plus important s’installe à Courbevoie, toujours proche de Paris. Il réunit sur plusieurs niveaux la fabrication et le conditionnement des parfums, soins et maquillage. C’est dans un bureau minuscule que Jean-Paul Guerlain fera ses premières gammes, aux côtés de son grand-père, Jacques. En attendant son entrée dans la société, l’usine de Courbevoie est sous la houlette de Jacques et de Marcel Guerlain. La société Guerlain franchit un nouveau cap. Jacques Guerlain s’occupe de son petit-fils, Jean-Paul, et l’initie aux arcanes de la création. En 1955, tous deux signeront « Ode », un floral impressionniste à la Guerlain, bâti autour des matières préférées de ces deux créateurs : rose, jasmin, iris. Ce poème olfactif sera la dernière composition de Jacques qui désigne Jean-Paul comme son successeur en 1956. Le succès de Guerlain ne cesse de grandir et nécessite l’ouverture d’une troisième boutique. En 1957, c’est au 93, rue de Passy, au coeur du 16e arrondissement, que sera inauguré cet espace feutré et cosy comme un boudoir Le jeune Jean-Paul, à peine sorti de l’adolescence, se voit confier le rôle envié mais risqué de créateur exclusif. Le « nez » de la maison, c’est lui maintenant ! Sa première création sera un coup de maître. Déplorant un manque flagrant de parfums masculins, Jean-Pierre et Jean-Jacques Guerlain, qui président aux destinées de la marque, demandent une nouvelle composition dévolue aux hommes. Jean-Paul accepte avec enthousiasme ce premier challenge et donnera, en 1959, un « Vetiver » élaboré, subtilement élégant et indémodable. Après ce coup de maître, Jean-Paul Guerlain songe à créer un parfum féminin. C’est l’idée d’une peau de jeune fille, en l’occurrence celle de sa future épouse, qui donne la première impulsion : « Chant d’Arômes » est un bouquet floral aldéhydé avec un petit air de chypré, qui serait un peu la jonction entre « Mitsouko » et « Chamade ». Nous sommes en 1962, au beau milieu d’une époque avide de nouveautés. Tout doit être « terrible » ou « formidable ». Désormais, la beauté est sexy, la jeunesse féminine découvre les Beatles et assume une conduite qualifiée par certains de provocante. Guerlain, qui ne s’est jamais lancé dans l’univers de la haute couture et du prêt-à-porter, toujours fidèle à la philosophie des fondateurs qui était « nous fabriquons ce que nous savons faire, et nous vendons ce que nous fabriquons », invente ses propres codes de maquillage en liaison avec les tendances de la mode. Ainsi, chaque année, deux collections sont conçues et proposées. En 1965, Jean-Paul Guerlain compose « Habit Rouge » dont le nom évoque le monde de l’équitation, terrain de prédilection de la famille Guerlain. En effet, tous sont cavaliers et Jean-Paul Guerlain en particulier. À la fin des années 1960, la société française va connaître une incroyable mutation au travers de prises de conscience et de changements de pensée sur les libertés, la sexualité, les tabous. Les traditions sont mises à mal, les étudiants se rallient au mot d’ordre « il est interdit d’interdire ». En 1969, en écho à ce vent de liberté, Guerlain répond par la création d’un véritable parfum de libération, un principe féminin à l’état pur, capiteux, avec une pointe de narcissisme, puisé dans les senteurs du règne végétal et animal. « Chamade » est un floral qui utilise le bourgeon de cassis pour la première fois en parfumerie, une audace pour illustrer ce nom inspiré du livre de Françoise Sagan. Ajoutez à cela un flacon en forme de coeur inversé, évoquant le rythme ardent d’un coeur qui bat la charge. Le développement de la marque se réalise également par l’implantation des boutiques parisiennes. C’est en 1965 que Guerlain franchit la Seine et s’installe au beau milieu de la rive gauche, au 29, rue de Sèvres. Au coeur de ce quartier jeune, la Sorbonne n’est pas loin ; cette nouvelle boutique se veut résolument, par son design, complètement différente de celle des Champs-Élysées. Adopté d’emblée, cet espace sera parfois appelé « Saint Guerlain des Prés ». La boutique de la rue de Sèvres possède toujours cette personnalité forte et bien ancrée. Quelques années plus tard, en 1973, comme pour mettre l’accent sur la pérennité de la marque, Jean-Paul Guerlain plonge dans ses souvenirs d’enfance pour composer l’« Eau de Guerlain », une eau rafraîchissante et rassurante qui évoque le foin coupé au beau milieu de l’été. Le sculpteur Robert Granai, qui avait fait ses premières armes chez Guerlain en créant le flacon de « Chamade », conçoit pour cette eau d’allégresse un flacon rond parcouru de stries en son centre, comme celles formées par les torrents qui ravinent la terre de leur courant puissant. Nous sommes en 1975 et Guerlain, en accord avec la nouvelle liberté des femmes, leur offre « Parure », une fragrance d’une féminité absolue habillée de lilas et de prune. Un parfum faussement sage, une sorte de feu sous la glace. Cet Orient qui fait rêver et voyager, sera symbolisé par un parfum tout à fait particulier, construit sur la structure du Boléro de Ravel : « Nahema ». Créé en 1979, il aura valu pas moins de cinq cents essais et plus de quatre ans de travail à Jean-Paul Guerlain. « Nahema » est une rose absolue, élaboré sur un fond boisé et fruité. Par son mélange de fruité et de violence, « Nahema » suggère l’idée d’une femme indépendante, à la fois libre et plus femme qu’avant. Après la joyeuse anarchie des années 1970, l’aube des années 1980 s’annonce sous de plus sombres auspices : crise du pétrole, croissance du chômage, apparition d’un virus qui fera des ravages. Pour échapper à l’angoisse, les femmes deviennent des « battantes » et affirment haut et fort que « lorsqu’on veut on peut ». Jean-Paul Guerlain poursuit son travail de créateur avec « Jardins de Bagatelle », un extraordinaire bouquet de fleurs blanches, très vif, à la manière d’une « bagatelle », petite fantaisie musicale qui s’offre la beauté d’un flacon drapé de plis évoquant l’épaule d’une nymphe. Et l’homme dans tout cela ? Jean-Paul Guerlain pense à lui, à cet homme qui a vu la déferlante féminine s’imposer dans tous les univers ces vingt dernières années. À cet homme qui, parfois, a perdu de sa belle assurance, il dédie « Derby », un parfum « barbare mais très civilisé » où la note cuir boisée épicée s’appuie sur une jolie note oeillet. Très confidentiel, « Derby » est dorénavant mis en avant dans les boutiques exclusives Guerlain. La fin de la décennie voit l’amorce de ce que l’on appellera le « cocooning ». Les femmes lâchent leur club de gym et se reconvertissent dans la relaxation New Age. L’Orient, source de sagesse, est à la mode. Et c’est dans cette quête de spiritualité que, en 1989, Jean-Paul Guerlain va créer « Samsara » pour la femme qui partage sa vie. Un parfum à la structure olfactive inédite et surprenante qui allie, en facettes principales, une fleur, le jasmin, et un bois, le santal. Deux matières précieuses issues de l’Inde où Jean-Paul Guerlain a fait construire une usine pour distiller ce jasmin alors réservé aux cérémonies religieuses. « La femme se réincarne en Guerlain », comme l’affirmera l’accroche de la publicité créée par Jacques Séguéla. En 1992, se profile « Héritage », un nouvel homme qui symbolisera toutes les valeurs de Guerlain. En 1993, peut-on recréer le paradis? La joie et l’amour certainement, avec Jean-Paul Guerlain qui, quelques mois plus tard, fêtera l’art d’être grand-père en créant « Petit Guerlain » pour ses petits-enfants, dans la toute nouvelle usine de parfums installée à Orphin, près de Rambouillet et dont l’inauguration donnera lieu à une grande fête en juin 1994. Cette date est également un pivot dans l’histoire générale de Guerlain car la société, riche d’un siècle et demi de créations, quitte le giron familial et intègre LVMH, le premier groupe de luxe mondial. Une nouvelle ère de passion créative s’instaure. En 1996, « Champs-Élysées » fête les racines de Guerlain en rendant hommage à l’avenue dite « la plus belle du monde ». Ce floral lumineux et pétillant, né de l’imagination d’Olivier Cresp et de Sylvaine Delacourte, rend hommage à la Parisienne chic et à la beauté radieuse incarnée par Sophie Marceau, nouvelle égérie de ce parfum élégant qui réconcilie le passé et le futur. Jean-Paul Guerlain partage désormais son temps entre la création et la gestion de sa plantation d’ylang-ylang aux Comores. Il compose Coriolan comme une galaxie d’odeurs offerte aux hommes. Quelques mois plus tard, pour clore ce millénaire en parfums, Jean-Paul Guerlain dévoile son émotion lors de la floraison des cerisiers au Japon. Cherry Blossom sera d’abord réservé aux femmes japonaises puis, sa mise en vente sera étendue à tous les pays d’Asie. Guerlain aborde les années 2000 avec détermination, créativité et foi dans le futur. En 1999, les Aqua Allegoria, dont la création a apporté un souffle nouveau à la marque, séduisent de jeunes clientes par leur fraîcheur et leur spontanéité. Ces eaux liées à la nature s’enrichissent chaque année de deux nouvelles fragrances : Pamplelune, Herba Fresca, Grosellina... C’est en 2002 que Jean-Paul Guerlain devient consultant auprès du Président pour tout ce qui touche à la qualité des matières premières naturelles, tout en s’impliquant dans certains projets. Des parfumeurs extérieurs, au talent reconnu, participent à la création, sous la houlette de Sylvaine Delacourte, Directrice Création Parfum. C’est Maurice Roucel et Sylvaine Delacourte qui signent, en 2003, L’Instant de Guerlain, un parfum de peau, un parfum de lumière avec le magnolia en majesté. Cette nouvelle fragrance qui inaugure une famille olfactive inédite, celle des ambrés cristallins, est inspirée de ces moments rares où tout peut basculer entre un homme et une femme. L’histoire d’amour continue en 2004 avec la création de L’Instant de Guerlain pour Homme. Ce parfum froid et lumineux, chaud et sensuel, imaginé par Béatrice Piquet et Sylvaine Delacourte, séduit immédiatement la jeune génération masculine. Renato Semerari, alors Président, et Laurent Boillot, Directeur Général, demandent à l’architecte Maxime d’Angeac et au designer Andrée Putman de réenchanter ce temple de la beauté qu’est la boutique des Champs-Élysées. Beaucoup de doigté et de patience pour intervenir dans cet espace inscrit à l’inventaire des Bâtiments de France. Challenge réussi. La boutique devient la « Maison Guerlain », lumineuse et magnifiée par un ruban d’or, composé de trois cent cinquante mille tesselles d’or, imaginé par Maxime d’Angeac et réalisé par Pierre Mesguich. L’orgue à parfums, surmonté d’un lustre géant, accueille les clients déjà sous le charme. Andrée Putman l’a voulu gigantesque, comme un écho à ses fontaines impériales dont la sobriété faite d’acier et de verre rappelle le cheminement du parfum au sein de l’usine d’Orphin. Le Spa, situé au premier étage, est également revisité par Maxime d’Angeac et Andrée Putman. Le minimalisme du style Putman habille huit cabines d’un blanc virginal éclairé par un gigantesque miroir pavé d’or. À l’international, les boutiques Guerlain sont maintenant au nombre de sept : deux au Canada, une à Tokyo, trois aux États-Unis, une à Moscou. Elles suscitent le désir avec des éditions limitées autour d’anciens parfums ou de créations récentes, des eaux de parfum créées autour de matières premières précieuses, des flacons uniques, en cristal de Baccarat ou ornés de pierre de jais. Pénétrer dans l’une de ces boutiques, c’est connaître et vivre ce que Baudelaire nommait « luxe, calme et volupté ». C’est la Rosa Centifolia qui a été choisie pour ses effluves délicats et féminins. Le parfum, ce messager de tant de promesses, accompagne avec brio l’année 2006. La belle et brillante Hilary Swank qui nous a tant émus en boxeuse obstinée dans le très beau Million Dollar Baby, rend fougueuse et imprévue la violette d’« Insolence ». Cette reine du grand écran aux deux oscars incarne ce parfum d’audace où l’esprit Guerlain s’exprime au travers de deux matières premières fétiches. L’iris et la violette sont certes bien présents mais surdosés et confrontés aux fruits rouges pour un effet dynamique et… insolent. Nous savons bien que le parfum nous entraîne dans un univers onirique et qu’il possède la capacité de nous émerveiller. L’Instant Magic, composé en 2007 par Randa Hammami et Sylvaine Delacourte, est une histoire, un conte autant qu’un parfum fleuri boisé. Émotion de la rencontre avec le parfum, sentiment de plénitude de vivre un instant magique. En 2008, Guerlain fête ses cent quatre-vingts ans. Anniversaire extraordinaire pour cette grande dame qui ne fait pas son âge. 2012 : Idylle Duet Jasmisn-Lilas Apres la rose et du patchouli, un jeu d’émotions tout en clair-obscur où la belle déploie ses charmes parfumés de pétales et de sensualité quand le beau ténébreux boisé, à son contact, vibre avec intensité. 2012 : Aqua Allegoria Lys Soleia Guerlain propose un moment de gaieté, de fraîcheur et de légèreté avec cette nouvelle Aqua Allegoria. Telle une réminiscence d’Ylang & Vanille, Thierry Wasser nous offre une belle échappée de nature avec Lys Soleia, au coeur d’un jardin nimbé de fraîcheur et caressé par le soleil... 2012 : Les Collections Exclusives s'agrandissent avec Les Déserts d’Orient. Hommage à l’Arabie envoûtante, à travers trois créations emblématiques évoquant l’Orient dans toute sa splendeur originelle. Berceau mythique et historique des parfums, il est dans l’imaginaire collectif occidental une terre porteuse d’essences symboliques. Cette trilogie est dédiée au monde oriental, Guerlain le magnifie et le pare de volutes luxueuses et éclatantes digne des milles et une nuits. Encens, roses, fleurs d’oranger, aromates, épices, bois, ambre, myrrhe, safran, benjoin, entre autres, sont depuis des siècles, l’objet d’un véritable culte, autant pour dés raisons religieuses que culturelles. 2012 : Shalimar Parfum Initial l’Eau Cette composition est écrite comme une nouvelle initiation à la sensualité et à l’innocence qui puise ses élans odorants dans un mythe olfactif légendaire avec des accents sensiblement plus frais, veloutés et tendres. Evoluer sans trahir, renouveler avec esprit et audace, transformer avec subtilité est le fil conducteur de cette eau légère telle une plume vaporeuse ou une envolée de mousseline. 2012 : Guerlain célèbre les 100 ans de L’Heure Bleue... Une fin de bel après-midi de l’été 1911, Jacques Guerlain se promène avec son fils sur les berges de la Seine. L’heure est entre lumière et crépuscule, les bruits de Paris s’adoucissent, l’odeur des fleurs emplit l’air. Le ciel se teinte presque entièrement d’un bleu particulier, plus foncé que le bleu du ciel. L’Heure Bleue était née ! 2013 : Acqua Allegoria Nerolia Bianca Ce printemps, Thierry Wasser nous propose un voyage olfactif au coeur des essences et absolues obtenues à partir du bigaradier, l’arbre de l’orange amère. Pour composer cette nouvelle Aqua Allegoria, Thierry Wasser a rassemblé tous les trésors du bigaradier : le fruit avec l’essence de l’orange amère, la fleur grâce à l’absolu de fleur d’oranger et l’essence du néroli, enfin, les rameaux avec lesquels on obtient l’essence de petit grain. 2014 : La Petite Robe Noire Couture Thierry Wasser complète son dressing avec un nouveau sillage. Une variation qui fait office de robe longue, brodée d’une touche de framboise, cousue de notes florales fraîches et surpiquée de notes boisées raffinées. 2014 : Aqua Allegoria Limon Verde Amoureux des jardins, Thierry Wasser les écrit comme un recueil de poèmes parfumés, ode à la nature, à la joie de vivre des beaux jours. Des eaux lumineuses et gaies à cueillir, comme on s’offrirait une brassée de fleur ou une rêverie sous la tonnelle. Thierry Wasser nous emmène au cœur d’un jardin tropical luxuriant, sous la fraîcheur délicieuse d’une cascade en pleine jungle. Depuis 30 ans, Terracotta bouleverse la vie des femmes en leur offrant une bonne mine toute l’année. Imitant à la perfection la caresse des rayons sur la peau, cette poudre ambrée aux couleurs du soleil est un secret de beauté qui se transmet entre femmes, entre amies, de mère en fille. Pour célébrer les 30 ans de ce mythe, Guerlain a créé une fragrance solaire et captivante. Thierry Wasser a interprété cette poudre mythique en parfum gorgé de soleil. En 1921, la légende de Shalimar inspira à Jacques Guerlain un sillage délicieusement charnel, le premier parfum oriental : Shalimar. Près d’un siècle plus tard, Thierry Wasser narre cette histoire par un souffle de légèreté et d’une extrême sensualité. 2014 : L’Homme Idéal est un mythe. Son parfum, une réalité... L’Homme Idéal ? Intelligent, beau, fort, filles et garçons sont d’accord. Mais dans les détails... ce n’est pas si évident. Heureusement, Guerlain a la solution ! En une formule... celle de son nouveau parfum masculin ! 2014 : Santal Royal Guerlain célèbre une matière première naturelle, dont les volutes ont toujours fasciné les pays du Moyen-Orient et signé de nombreux sillages... Originellement employé pour la construction partielle d’édifices et pour la confection d’objets précieux, le bois de santal entre également dans la composition des encens. 2015 : La Petite Robe Noire Eau Pétale Notre Petite Robe Noire célèbre le retour du Printemps et des beaux jours dans une nouvelle robe. Insolente et mutine, elle s’habille d’une robe verte et pétillante qui exprime une nouvelle facette de sa féminité. Poétique et magique, elle nous met au parfum de sa nouvelle robe pétales dans un nouveau film. 2015 : Aqua Allegoria Teazzura Thierry Wasser nous emmène savourer un thé vert au bord d’un lac aux reflets d’azur. Terrazura magnifie l’accord thé vert en l’associant à deux essences ensoleillées, la bergamote et le jasmin. 2015 : L'Homme Idéal Cologne Après avoir inventé le parfum de l’homme idéal, Guerlain invente celui du mari idéal. Quand l’homme idéal devient le mari idéal, son parfum se métamorphose en Cologne. Un parfum frais et revigorant pour cet homme énergique, charmant et fidèle... |